L’antenne International Security and Defense a sélectionné pour vous les informations importantes de la semaine du 31 mai au 6 juin 2021. L’article a été rédigé par Raphaëlle Loyau.
Crise politique au Mali : la France suspend ses opérations militaires conjointes avec les forces maliennes
Jeudi 3 juin, le ministère français des Armées a annoncé que la France suspendait ses opérations militaires conjointes avec l’armée malienne, une décision qui pourrait être modifiée en fonction des réponses que donnera le Mali.
Après un premier coup d’État en août 2020, le Mali fait une nouvelle fois face à un putsch seulement neuf mois plus tard. Dans un contexte sociopolitique extrêmement tendu, marqué par l’appel à la dissolution du Conseil national de transition sous le président Bah N’Daw par le mouvement de contestation M5 et plusieurs semaines de grève, le premier ministre Moctar Ouane avait remis la démission de son gouvernement le 14 mai. Dix jours plus tard, l’annonce du nouveau gouvernement a provoqué la surprise au sein des membres de l’ancien Conseil national pour la salut du peuple (CNSP) officiellement dissout depuis le coup d’État du 18 août, qui faisaient partie pour la plupart du gouvernement. Face à la mise à l’écart de deux des leurs – les ministres de la Défense et de la Sécurité et la Protection civile – mais aussi des civils ordinaires, le colonel Assimi Goita, vice-président de la transition, a dénoncé la formation d’un nouveau gouvernement “sans concertation avec le vice-président.”. Quelques heures plus tard, le président et son premier ministre ont donc été arrêtés par l’armée et conduits au camp militaire de Kati.
Le vice-président a par ailleurs souligné son attachement à la Charte de la transition en stipulant qu’il s’était vu “dans l’obligation d’agir pour préserver la charte de la transition et défendre la République en vue de placer hors de leurs prérogatives le président et le premier ministre”. Cependant, selon cette même charte, le vice-président ne peut remplacer le président de transition en cas d’empêchement.
La prise de pouvoir par le colonel Goita a donc poussé la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) à exclure le pays de ses rangs, tandis que de nombreux pays européens ont dénoncé un coup d’État inacceptable. Dans ce contexte président français Emmanuel Macron a déclaré le 30 mai que la France retirerait ses troupes du Mali si le pays prenait la direction d’un islamisme radical. La France soutient le Mali depuis 2012 face à la poussée djhadiste au nord du pays avec plus de 5 000 hommes déployés au sein de l’opération Barkhane.
Espionnage des alliés européens par les États-Unis par le biais de câbles sous-marins danois
Huit ans après le séisme médiatique de l’affaire Snowden, ancien employé de la CIA qui avait révélé l’existence de plusieurs programmes de surveillance de masse américains et britanniques, plusieurs médias européens ont dénoncé l’espionnage de plusieurs responsables européens par les États-Unis et le Danemark entre 2012 et 2014.
La NSA (National Security Agency), l’agence américaine de surveillance électronique, aurait en effet utilisé des câbles de télécommunication danois pour espionner des responsables et hauts fonctionnaires français, allemands, norvégiens et suédois, dont la chancelière Angela Merkel. Les États-Unis ont ainsi bénéficié d’une collaboration avec les services de renseignement militaire extérieur danois FE (Forsvarets Efterretningstjeneste). Les journalistes de la télévision publique danoise Danmarks Radio (DR) ont eu accès au rapport d’une enquête interne menée par le FE et dont le nom de code est “Opération Dunhammer”, qu’ils ont diffusé dans la soirée du dimanche 30 mai avec plusieurs autres médias européens.
Au lendemain des révélations, le secrétaire d’État français aux Affaires européennes Clément Beaune a déclaré que cette opération d’espionnage, si elle était avérée, serait “extrêmement grave”. Il a également ajouté que “entre alliés, il doit y avoir une confiance, une coopération minimale, donc ces faits potentiels sont graves, il faut les vérifier et en tirer les conséquences en termes de coopération.”.
Si cette révélation constitue un véritable scandale politico-médiatique, la pratique de l’espionnage entre alliés n’est pas nouvelle. De plus, Antoine Lefébure, spécialiste de l’usage des nouvelles technologies et auteur de L’Affaire Snowden, comment les États-Unis écoutent le monde, a rappelé que les États-Unis ont un contrat avec cinq pays anglo-saxons dont le Canada et l’Australie leur interdisant de s’espionner mutuellement. Ni la France ou l’Allemagne ne participant à cette alliance, la NSA peut donc espionner n’importe quel pays sans avoir à en rendre compte. Plusieurs experts américains ont par ailleurs tenu à temporiser l’ampleur de ce scandale en annonçant que “les nations seraient irresponsables si elles ne menaient pas des opérations d’espionnage même sur leurs alliés.”.
Emmanuel Macron et Angela Merkel ont sommé lundi 31 mai les États-Unis et le Danemark à s’expliquer sur ces allégations d’espionnage, le président français déclarant que l’espionnage était inacceptable entre alliés et surtout entre partenaires européens. De son côté, la Norvège a convoqué le plus haut responsable de l’ambassade des États-Unis à Oslo. Edward Snowden, réfugié à Moscou depuis 2013, a enjoint Washington et Copenhague à faire preuve d’une “transparence complète”. Cette révélation est d’autant plus importante car elle surgit dans le contexte de négociations entre les États-Unis et l’Union européenne sur un nouvel accord concernant le transfert des données transatlantiques.
Face à l’activité militaire de l’Otan près de ses frontières, la Russie annonce renforcer ses mesures de sécurité
Lundi 31 mai, le ministre russe de la Défense a indiqué que “vingt formations et unités militaires seront formées d’ici la fin de l’année dans le District militaire occidental.” en réaction aux initiatives menées par l’Otan à des endroits stratégiques près de ses frontières.
Il fait référence au nombre grandissant de bombardiers américains déployés mais aussi à la présence de navires de guerre de l’Otan et de leurs exercices menés conjointement, qui constituent “une menace croissante”, “détruisent le système de sécurité internationale et forcent à prendre les contre-mesures nécessaires”. Il a également déclaré que le district militaire occidental avait commandé près de 2 000 nouvelles pièces d’artillerie cette année. Enfin, il a indiqué que “l’intensité de la réalisation des tâches d’entraînement au combat par les navires de la Flotte de la Baltique a augmenté de 30%. Plus de deux cents exercices ont été effectués.”, confirmant ainsi la poursuite des manœuvres de la Russie en vue de perfectionner les compétences de ses effectifs et de son commandement.
La Russie a en outre lancé un avertissement aux États-Unis par le biais de son vice-ministre aux Affaires étrangères selon lequel elle enverrait dans les prochains jours une série de signaux “désagréables” à l’encontre du pays, qu’elle accuse ne pas être disposé à aborder certains sujets lors du sommet prévu entre Vladimir Poutine et Joe Biden le 16 juin à Genève. Il a également indiqué un peu plus tard que “les États-Unis suivent, d’un pas assuré, le même chemin qu’a suivi l’Union soviétique”. Le président américain a quant à lui indiqué vouloir faire pression sur la Russie au sujet des droits de l’homme.
Cette annonce survient un mois après le déplacement massif de troupes russes près de la frontière avec l’Ukraine, ce qui avait déjà alerté l’Occident.
Le Burkina Faso endeuillé par l’attaque djihadiste la plus meurtrière depuis 2015, l’ONU indignée
Plus de 138 civils ont été tués dans la nuit de vendredi à samedi lors de deux attaques djihadistes dans la province de Yagha au nord du pays. Cette zone dite des “trois frontières”, située entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, fait régulièrement l’objet d’assauts meurtriers contre des civils et des militaires depuis 2015. L’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) et le Groupe de soutien à l’Islam aux musulmans (GSIM) sont les deux groupes djihadistes qui sévissent dans la région.
La première attaque, qui a eu lieu dans le village de Sohlan, a d’abord visé le poste des Volontaires pour la défense et la patrie (VDP), des supplétifs civils de l’armée, avant que les assaillants s’en prennent aux habitations et procèdent à des exécutions. À elle seule, cette attaque a fait au moins 138 morts, le plus lourd bilan humain enregistré dans le pays depuis 2015. Quelques heures plus tard, dans la même province, une seconde attaque a fait plus d’une quinzaine de morts dans le village de Tadaryat. Ces deux attaques surviennent une semaine après un assaut dans la même région qui avait fait quatre morts.
Le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a qualifié cette attaque de “barbare” et d’“ignoble”, appelant à “rester unis et soudés contre ces forces obscurantistes.”. Le chef de l’opposition, Eddie Komboigo, a quant à lui déclaré que “le massacre des populations doit cesser sans condition.”. Le gouvernement a indiqué que “les forces de défense et de sécurité sont à pied d’œuvre pour neutraliser ces terroristes”, et a décrété un deuil national de trois jours à compter du samedi 5 juin.
Le Secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, s’est dit “indigné” par cette attaque qui a causé la mort de plus d’une centaine de civils dont une dizaine d’enfants, le bilan est encore provisoire. Il a par ailleurs appelé la communauté internationale à renforcer son soutien auprès du pays “dans son combat contre la violence extrémiste et son bilan humain inacceptable.”. Depuis 2015, les violences djihadistes ont provoqué la mort de plus de 1 400 personnes et le déplacement de plus d’un million de personnes. Selon le dernier rapport du Conseil norvégien pour les réfugiés, le Burkina Faso occupe la septième place des crises humanitaires les plus négligées au monde dont la croissance a été la plus spectaculaire en 2020.