Depuis 1990, le conflit du Karabakh reste sans solution. L’Azerbaïdjan refuse l’indépendance du Nagorny Karabakh et a menacé à de nombreuses reprises, de recourir à la force pour régler le conflit. L’enclave très majoritairement peuplée d’arméniens a fait l’objet de combats violents en septembre 2020. Retour sur les origines et les conséquences du conflit.
Les origines du conflit
Il faut remonter à 1921 pour trouver les sources de ce conflit. En effet, cette année-là, l’armée rouge envahit l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la Géorgie et la direction soviétique créer le Bureau caucasien pour les soviétiser. Soucieuse de trouver un arrangement territorial satisfaisant Atatürk, L’Union soviétique décide d’attribuer le Karabakh et le Nakhitchevan à l’Azerbaïdjan. En 1923, la région autonome du Nagorny Karabakh est créée au sein de la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan. Le Nagorny Karabakh devient une enclave arménienne en Azerbaïdjan, peuplé à 94% d’arméniens.
Pour autant, les tensions persistent, les arméniens du Karabakh, dénoncent la disparation des Arméniens du Nakhitchevan et reprochent à Bakou de « désarmianiser » le Karabakh, en le colonisant avec des Azéris et en expulsant les Arméniens. A partir des années 80, les arméniens accusent le gouvernement azéri de pratiquer un nettoyage ethnique et demandent le rattachement à l’Arménie.
Après un référendum, en décembre 1991, la République du Nagorny Karabakh (RNK) déclare son indépendance. En conséquence la guerre éclate et les forces armées azéries lancent une offensive contre la RNK qui parvient à les repousser et à conquérir le vital corridor de Latchin en mai 1992, sans armée.
Après plusieurs mois de conflit, en 1994, l’Arménie capture de nouveaux territoires et contrôle l’enclave ainsi que 7 régions qui l’entourent. Un tournant qui permet au gouvernement azéri de reconnaitre le Nagorny Karabakh comme partie au conflit et de négocier directement avec lui. La même année, sous la médiation de 3 pays, les Etats-Unis, la France et la Russie, le « groupe Minsk », un cessez-le-feu est conclu sans pour autant apporter de solution durable. La communauté internationale n’a pas reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh.
La recrudescence du conflit
Fin septembre 2020, les combats ont repris et chacun des pays a appelé au soutien d’une puissance régionale. L’Arménie a une alliance avec la Russie tandis que l’Azerbaïdjan fait alliance avec la Turquie. Pourtant, la position russe est teintée d’ambigüité, le pays fournissant des armes aux deux camps.
Il est vrai que la Russie marche sur les œufs. Liée par un accord de défense avec l’Arménie, l’Organisation du traité de sécurité collective, créée en 2002, garantissant la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale des Etats membres, le pays n’aurait pourtant pas à intervenir en soutien à l’Arménie dans le Haut-Karabakh. En effet, le 7 octobre 2020, Vladimir Poutine déclarait que la Russie n’interviendrait pas, les affrontements n’ayant pas lieu sur le territoire arménien.
Le conflit qui a duré plusieurs semaines l’année dernière a fait plus de 6500 morts et a contraint l’Arménie à céder plusieurs régions entourant le Nagorny-Karabakh à l’Azerbaïdjan. Au total, les arméniens ont perdu 2/3 des territoires qu’ils contrôlaient, il ne leur reste que Latchin, contrôlé par les russes, rattachant l’enclave à l’Arménie. Cette recrudescence fait suite à des affrontements meurtriers ayant eu lieu en juillet 2020 et s’explique par le fait que le conflit ait été négligé, notamment en l’absence de médiation internationale.
La défaite arménienne a été vécue comme un traumatisme, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Erevan pour réclamer la démission de Nikol Pachinian, qualifié de traitre par l’opposition pour avoir conclu une trêve avec Bakou. De même, en mars 2021, l’Arménie a accusé l’Azerbaïdjan d’avoir commis des crimes de guerre, des accusations qui interviennent après que l’ONG Human Rights Watch ait publié un rapport indiquant que l’armée azerbaidjanaise a « maltraité des prisonniers de guerre arméniens » en les soumettant à « un traitement cruel et dégradant ainsi qu’à des tortures ». L’ONG a donc appelé l’Azerbaïdjan à « libérer immédiatement » tous les prisonniers arméniens restant, qu’ils soient civils ou militaires. De son côté, Bakou rejette ces accusations et affirme que tous les prisonniers ont été libérés et renvoyés en Arménie.
Les enjeux auxquels sont confrontés l’OTAN
Cette guerre a été révélatrice de deux défis politiques auxquels l’Alliance est confrontée : sa relation avec la Russie dans une région que Moscou considère comme sa zone d’influence, et, une politique étrangère indépendante au service d’intérêts affirmés de la part de la Turquie.
Les Etats-Unis, par le passé ont cherché à résoudre le conflit, notamment dans le cadre du groupe de Minsk. Cependant, le pays a lui-même anéanti ces efforts en dénonçant régulièrement le manque de volonté des dirigeants d’apaiser les tensions, ignorant le rôle de Moscou. Si l’initiative de négociation de Barack Obama a échoué, les éléments essentiels de la discussion demeurent identiques. En effet, concernant ce que Moscou appelle sa zone d’influence traditionnelle et le contrôle des armements, Vladimir Poutine ne sera ouvert au dialogue que si l’OTAN s’engage à ne pas intégrer de nouveaux pays voisins de la Russie.
Le conflit au Nagorny-Karabakh est une illustration des divergences qui animent l’OTAN. La Turquie a joué un rôle majeur dans la victoire de l’Azerbaïdjan en lui fournissant des drones aériens. L’appui fourni par le Turquie à l’Azerbaïdjan a suscité le mécontentement du président arménien Armen Sarkissian, qui s’est rendu à Bruxelles pour demander des comptes à l’OTAN, l’un de ses membres ayant agit alors que le conflit ne concernait pas l’OTAN. Cela s’explique par le fait que l’article 5 de la chartre de l’OTAN instaure un principe de solidarité en cas d’attaque contre l’un de ses membres et que l’organisation fonctionne par consensus, toute tension entre ses membres peut donc paralyser son processus décisionnel.
L’intervention de la Turquie peut être considérée comme positive sous certains aspects. Il est possible d’y voir un exemple de l’efficacité de l’organisation et de l’un de ses membres à développer les forces armées de pays partenaires. Au début des années 90, la Turquie a contribué à la formation et à l’équipement des forces azerbaidjanaises, ce qui leur a permis de participer à des opérations de l’Alliance au Kosovo par exemple.
Encore est-il qu’à l’avenir, l’OTAN devra jouer avec la volonté affichée par la Turquie de mener une politique étrangère indépendante.
Sources :
L’imbroglio du Karabakh : une perspective azérie | Cairn.info
Pourquoi la guerre a-t-elle repris au Haut-Karabakh ? (carte) (rtbf.be)
Haut-Karabakh : jusqu’où Vladimir Poutine soutiendra-t-il l’Arménie ? (franceinter.fr)
Diplomatie, Affaires stratégiques et relations internationales, n°112 « le conflit au Nagorny-Karabagh, nouveau révélateur des défis politiques au sein de l’OTAN ».