L’antenne International Security and Defense a sélectionné pour vous les informations importantes de la semaine du 1er mars 2021. L’article a été rédigé par Raphaëlle Loyau.
La volonté d’autonomie stratégique de l’UE vue d’un mauvais œil par l’OTAN
Le secrétaire général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), le norvégien Jens Stoltenberg, a affirmé jeudi lors d’un entretien à l’AFP que l’Union européenne n’est pas en mesure de défendre le Vieux continent et que sa volonté d’autonomie stratégique ne doit pas affaiblir l’OTAN. “Toute tentative d’affaiblir le lien, de diviser l’Europe et l’Amérique du Nord ne fera pas qu’affaiblir l’OTAN, elle divisera l’Europe.”, a-t-il prévenu.
Son inquiétude réside tout d’abord dans la capacité de l’Europe à être un partenaire fort et donc crédible, rappelant ainsi que “les membres de l’UE ne fournissent que 20% des dépenses de défense de l’OTAN.”. Par ailleurs, il a affirmé que la sécurité de l’Europe est également assurée par des pays non-membres de l’Union européenne, comme les États-Unis, l’Angleterre mais aussi la Turquie, dont le rôle est selon lui essentiel dans la lutte contre le terrorisme. “Je soutiens les efforts de l’UE pour ses dépenses de défense, pour se doter de nouvelles capacités militaires et remédier à la fragmentation de l’industrie européenne de la défense, car tout cela sera bon pour la sécurité européenne et pour la sécurité transatlantique”, a-t-il indiqué. Néanmoins, “l’UE ne peut assurer seule la défense de l’Europe”, c’est pourquoi il appelle à une “solidarité stratégique” plutôt qu’à une “autonomie stratégique”.
Jens Stoltenberg a néanmoins salué le projet européen sur la mobilité militaire, qui est selon lui un des fleurons de la coopération entre l’OTAN et l’Union européenne. Il a d’ailleurs affirmé que ce projet permettra d’augmenter la rapidité de mouvement des troupes américaines en Europe. Mais selon lui, il n’y a aucune volonté des États-Unis de se désengager militairement de l’Europe, argument utilisé par les Européens pour renforcer leur autonomie d’action.
Enfin, Jens Stoltenberg a affirmé que l’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis sera l’occasion d’ouvrir un nouveau chapitre dans la relation transatlantique, notamment lors du prochain sommet de l’Alliance, dont la date n’est pas encore arrêtée du fait du contexte sanitaire.
Premier vol pour l’ATS, le nouveau drone de combat de type “ailier fidèle” conçu par Boeing Australia : un retour en scène significatif de l’Australie dans l’aéronautique militaire depuis 1945
Deux ans après le salon aéronautique d’Avalon (Australie), lors duquel Boeing Australia avait dévoilé son nouveau drone de combat appelé Airpower Teaming System (ATS), le vol inaugural de ce dernier vient d’être réalisé avec succès le 27 février. Le vol s’est déroulé sous la supervision d’un pilote d’essai de Boeing depuis un poste de contrôle au sol au Woomera Range Complex, un site de la Royal Australian Air Force (RAAF).
Ce nouveau type de drone de combat marque le retour en scène de l’industrie aérospatiale australienne dans la mise en œuvre d’avions militaires, une capacité perdue depuis la Seconde Guerre mondiale. En effet, l’ATS est le premier avion militaire conçu et fabriqué en Australie depuis plus de cinquante ans. D’une longueur de 11 mètres, avec une autonomie estimée à 3 700 km et doté d’une intelligence artificielle, l’ATS présente des caractéristiques similaires à celles d’un chasseur-bombardier classique. Selon Boeing Australia, ce type d’appareil serait en mesure d’effectuer des missions de guerre électronique, de renseignement et de surveillance, aux côtés d’avions de détection et de commandement (AWACS) ou encore de patrouille maritime.
En 2020, le premier des trois prototypes prévus par le programme avait officiellement été retenu et présenté par Boeing Australia, et était déjà prêt à entamer ses essais. Plusieurs tests au sol avaient ainsi été réalisés par la suite et s’étaient avérés concluants.
Ce nouveau type de drone de combat ouvre de nouvelles perspectives pour les forces aériennes australiennes : il a en effet été développé sur la base d’un “jumeau numérique”, une technologie permettant d’accélérer le processus d’élaboration, et ce à moindre coût.
Nucléaire iranien : volte-face européenne à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et place à la diplomatie
L’Union européenne renonce finalement à déposer une résolution contre l’Iran à l’Agence internationale de l’énergie atomique annoncée en début de semaine pour tenter de ramener Téhéran à la table des négociations avec les États-Unis. Cette résolution, décidée par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni (E3) et prévue dans le JCPoA, condamnait la décision de l’Iran de réduire les moyens de vérification de son programme nucléaire dont disposent les inspecteurs de l’AIEA. Cette concession, saluée par la République islamique d’Iran, permet de donner une chance à la diplomatie. L’espoir de ranimer l’accord sur le nucléaire iranien, qui se délite depuis le retrait des États-Unis sous Donald J. Trump et les entorses successives de l’Iran à ses obligations, demeure donc encore.
L’Iran doit désormais prouver qu’il est sérieux dans sa volonté de relancer l’accord nucléaire conclu à Vienne en 2015 entre l’Iran et le groupe 5+1 (France, États-Unis, Angleterre, Russie, Chine, Allemagne), dans l’objectif initial d’encadrer le programme nucléaire iranien en échange d’un allégement des sanctions internationales.
Des signaux timides de la part de Téhéran témoignent d’une nouvelle ouverture à la discussion : si le régime refuse toujours le principe d’une réunion informelle sous l’égide du Haut représentant de l’Union européenne, Josep Borrell, il s’est toutefois montré favorable à une rencontre technique avec des experts internationaux au sujet de traces d’uranium relevées sur deux anciens sites non déclarés. Un bilan devra être fait à ce sujet avant la prochaine réunion du Conseil des gouverneurs en juin.
Autre élément ayant pu jouer en la faveur de nouvelles négociations : le journal iranien ultraconservateur Vatan-e Emrouz a écrit mardi 2 mars, sans citer de source, que le président iranien Hassan Rohani avait donné l’ordre de suspendre la production d’uranium métal dans l’usine d’Ispahan. Le gouvernement n’a pas démenti ces informations, tandis que l’AIEA n’a pas pu encore les confirmer à ce stade. Le défi d’un dialogue direct entre les États-Unis et l’Iran, qui est encore loin d’être relevé, reste donc encore d’actualité.
Le projet SCAF en zone de turbulences : la relation franco-allemande à l’épreuve.
Paris et Berlin tentent de surmonter les nouvelles difficultés auxquelles est confronté le développement du projet ambitieux de futur avion de combat européen (SCAF). Considéré comme l’un des piliers de la politique de défense européenne souhaitée par la France, le programme de défense SCAF fait l’objet de débats qui semblent compromettre l’avenir de la relation franco-allemande.
Lors d’une visioconférence au début du mois de mars, le président Emmanuel Macron et la chancelière Angela Merkel ne sont pas parvenus à trouver un accord permettant de débloquer une nouvelle somme d’au moins cinq milliards d’euros visant à développer un prototype. La signature de l’accord pour la phase 1B du programme, qui doit voir la fabrication d’un démonstrateur, est aujourd’hui en jeu sur fond d’approches divergentes – industrielle pour Berlin, militaire et stratégique pour Paris – et de rivalités entre constructeurs. En effet, la construction de l’avion de combat, destiné à remplacer le Rafale français et l’Eurofighter allemand vers 2040, est assurée par les industries allemande Dassault et française Airbus mais aussi par la société espagnole Indra.
Un des points de tension porte sur les droits de propriété intellectuelle (IPR), une question rendue sensible par la contradiction des intérêts des États et des industriels. Dassault considère qu’il détient les technologies qui seront utilisées pour développer le démonstrateur (background) et ne veut pas céder ce background qui constitue la richesse technologique de son entreprise. Néanmoins, Berlin souhaite obtenir des concessions de Paris pour pouvoir utiliser des technologies développées dans le cadre du projet SCAF pour ses propres programmes d’armement. La France y est très réticente, car elle soupçonne les industriels allemands de vouloir profiter de son expertise en la matière pour rattraper leur retard.
“Nous savons qu’il s’agit d’un projet sous direction française mais ce doit être un projet où les deux pays jouent d’égal à égal, et il y a encore beaucoup de questions à clarifier”, a souligné la chancelière allemande. Des représentants des deux pays, mais aussi de l’Espagne et des trois principaux constructeurs, se sont réunis mercredi 3 mars au siège de la Direction générale de l’armement (DGA) à Paris pour tenter de surmonter leurs divergences. Alors que la ministre des Armées Florence Parly doit s’entretenir avec son homologue allemand Annegret Kramp-Karrenbauer, certains s’interrogent sur la capacité des deux pays à mener le projet à son terme… Le SCAF, qui est un outil indispensable au plan politique et industriel de la capacité européenne aéronautique future dans la défense, a donc tout intérêt à réussir, car aucun des pays européens n’est en mesure aujourd’hui de financer seul un tel équipement . On peut d’ailleurs le voir avec le projet concurrent du Tempest développé par l’Angleterre, l’Italie et la Suède.
Sources :