À l’occasion de la fin de l’année 2020, l’antenne International Security and Defense a sélectionné les informations marquantes de cette année. Cette rétrospective a été rédigée par Clarisse Bruneton, Inès Evrain, Emma Josso, Raphaelle Loyau.
3 janvier 2020 : Assassinat de Qassem Soleimani
L’année 2020 a commencé fort, le ton étant donné dès les tous premiers jours : le 3 janvier, l’un des hommes forts du régime iranien est assassiné par un drone américain sur le sol irakien. Cet homme, c’est Qassem Soleimani, chef de la Force al-Qods, une unité d’élite des Gardiens de la Révolutions, chargée de l’expansion de l’influence iranienne et de la défense des intérêts du pays dans le monde arabe.
Si cet événement a constitué une surprise internationale, il se place dans la continuité d’une escalade de tensions entre Iran et États-Unis. Ses antécédents remontent à la décision de Trump de se retirer de l’accord sur le nucléaire iranien en 2018, et donc au renouvellement des sanctions américaines. L’Iran et des groupes armés pro-iraniens avaient alors multiplié les provocations. Le 31 décembre, une foule avait pris d’assaut l’ambassade américaine à Bagdad. Cet événement a constitué un point de non-retour, le souvenir de la prise d’otage de l’ambassade américaine à Téhéran en 1979 restant vif.
Face à l’élimination d’une des personnalités les plus influentes du pays, le gouvernement iranien avait alors répondu par la menace de ne plus respecter les engagements de l’accord sur le nucléaire, a voté l’expulsion des troupes américaines du pays, a menacé de frapper Israël et a lancé des missiles sur une base aérienne abritant des troupes américaines. En retour, le président américain a menacé de frapper des sites culturels iraniens.
Si l’événement a provoqué la crainte d’une plus forte déstabilisation de la région ou même d’une guerre, il n’a finalement pas eu les conséquences escomptées. La réponse iranienne a été mesurée afin d’éviter un affrontement armé avec les États-Unis. Ces derniers ont été réaffirmés dans leur capacité d’action hors de leurs frontières. Les tensions restent cependant vives entre l’Iran et le couple États-Unis/ Israël. Comme pour clore l’année, un autre homme stratégique pour l’Iran est assassiné fin novembre. Mohsen Fakhrizadeh, physicien nucléaire, est visé par une attaque au véhicule piégé dans la banlieue de Téhéran. L’Iran accuse Israël mais encore une fois, la réponse est limitée malgré l’appel à la vengeance.
Sources :
• https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/03/comprendre-l-escalade-de-la-violence-entre-l-iran-et-les-etats-unis-depuis-2018-en-six-points_6024741_3210.html
• https://www.lemonde.fr/international/article/2020/01/03/apres-la-frappe-americaine-contre-le-general-soleimani-la-crainte-d-une-escalade-avec-l-iran_6024679_3210.html
• https://www.aa.com.tr/fr/monde/iran-une-ann%C3%A9e-2020-%C3%A0-l-enseigne-des-assassinats-et-des-sanctions/2092553
7 février : Discours d’Emmanuel Macron sur la stratégie de défense et de dissuasion
Le 7 février 2020, Emmanuel Macron a prononcé l’un des discours majeurs de son quinquennat portant sur la stratégie de défense et de dissuasion de la France, dans la lignée des discours nucléaires des présidents de la Ve République et de la doctrine française de défense.
Le président s’inscrit dans la logique de ses prédécesseurs en promouvant une logique de désarmement nucléaire, illustrée par le nombre de têtes nucléaires inférieures à 300, et, exprimée par un appel au strict respect de la norme centrale constitutive du traité de non-prolifération nucléaire par la mise en place d’un agenda réaliste de désarmement nucléaire autour de l’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes entre autres.
Dans un environnement stratégique dominé par la Russie, la Chine et les Etats-Unis, le président appelle les pays européens à définir leurs intérêts de sécurité et à promouvoir ensemble un agenda international pour la maîtrise des armements. A la suite de la dénonciation par Washington en 2019, du traité russo-américain de 1987 sur les armes nucléaires de portée intermédiaire, les cartes sont possiblement redistribuées dans une potentielle course à l’armement si les pays européens acceptent de participer aux futures négociations et d’engager un débat stratégique sur la sécurité collective de l’Europe.
Cependant, la tâche s’annonce ardue face aux réticences de l’Allemagne qui privilégie le parapluie nucléaire américain depuis la Guerre froide et au Brexit qui fait de la France, la seule puissance européenne dotée de l’arme nucléaire.
Sources :
Ce qu’il faut retenir du discours de Macron sur le rôle de la dissuasion nucléaire française (nouvelobs.com)
Dissuasion nucléaire : Macron entrouvre la porte aux Européens – Le Point
En Allemagne, le discours de Macron sur la dissuasion nucléaire est accueilli par un prudent silence (lemonde.fr)
3 juin : L’armée française élimine le chef d’AQMI
Le 3 juin 2020, le chef d’AQMI Abdelmalek Droukdel a été abattu lors d’une opération menée au Mali par les forces spéciales françaises. Cette opération héliportée a été permise par le croisement entre les renseignements français et américains (qui ont repéré la présence surprenante de Droukdel au Mali). Quatre djihadistes ont été tués au cours de cette opération, à 80 kilomètres de Tessalit, un cinquième a été fait prisonnier. La mort d’Abdelmalek Droukdel a été confirmée le 18 juin par AQMI.
Né en 1970 en Algérie, Abdelmalek Droukdel prête allégeance à al-Qaïda en janvier 2007. Le groupe djihadiste qu’il dirige alors devient Al-Qaïda au Magreb Islamique (AQMI). Dès les débuts d’AQMI, Droukdel commande plusieurs attentats meurtriers en Algérie, pour lesquels il est condamné à mort par contumace. Le nombre d’enlèvements d’Occidentaux se trouve également fortement multiplié ; en 2011, Michel Germaneau est assassiné. En 2017, AQMI rejoint le GSMI (Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans), qui cherche à contrer l’influence de l’Etat islamique et participe à l’instabilité au Sahel, de par la guerre ouverte entre ces deux entités djihadistes.
La mort d’Abdelmalek Droukdel est un coup dur pour AQMI, qui bénéficiait de l’importante longévité de son chef. Il a permis aux forces du G5 au Sahel d’affaiblir pour un temps l’organisation djihadiste, notamment au Mali, pierre angulaire de la stratégie de Droukdel. Son successeur, Abou Obeida Youssef al-Annabi a été désigné en novembre 2020. En avril 2013, face à l’intervention française au Mali, il appelle au djihad contre la France, ce qui lui vaut d’être inscrit sur la liste noire américaine des « terroristes internationaux ». Il réitère cet appel en mai 2019 lors d’un entretien pour France24. Il soutient également le Hirak en Algérie, y voyant une opportunité d’instaurer la charia en Algérie, son pays d’origine.
Sources :
https://www.la-croix.com/Monde/Lalgerien-Annabi-nouveau-chef-dAqmi-2020-11-23-1201126142
https://www.lemonde.fr/international/article/2020/06/11/les-forces-speciales-francaises-ont-tue-et-enterre-le-chef-d-aqmi-explique-l-etat-major_6042555_3210.html
http://www.opex360.com/2020/06/05/le-chef-dal-qaida-au-maghreb-islamique-tue-lors-dune-operation-francaise-menee-dans-le-nord-du-mali/
10 août : La Turquie cherche à mettre la main sur les gisements d’hydrocarbures en Méditerranée orientale aux dépens de la Grèce
Le 10 août 2020, la Turquie a mobilisé son navire de prospection Oruç Reis et plusieurs navires de guerre dans les eaux grecques, suite à la découverte de vastes gisements de gaz en Méditerranée orientale ces dernières années. La Turquie prospecte aussi dans les eaux de la République de Chypre, pays de l’Union européenne qu’Ankara ne reconnaît toujours pas depuis la partition de l’île en 1974. La Grèce et Chypre ont ainsi accusé la Turquie de violer leur souveraineté en menant ces forages d’exploration. La France a manifesté son soutien à la Grèce en y envoyant deux chasseurs Rafale et deux bâtiments de la marine nationale en Crète le 13 août.
Si le dirigeant turc Recep Tayyip Erdogan avait déclaré que “La Turquie est prête à toute forme de partage (des ressources en hydrocarbures), du moment qu’il est équitable”, le ton est monté à la fin du mois d’août lorsque la Turquie, appuyée par la Russie, et la Grèce, avec la France, Chypre et l’Italie, toutes deux membres de l’OTAN, ont effectué des manœuvres militaires. Face à un pays confronté à une crise économique depuis plusieurs années, la Turquie cherche à s’imposer sur la scène internationale comme première puissance en Méditerranée orientale, comme l’illustre l’accord qu’elle a signé en 2019 avec le gouvernement d’accord national libyen (GAN) qui délimite les frontières maritimes bilatérales en empiétant sur les zones exclusives grecques et chypriotes.
Suite à la demande d’un sommet d’urgence de l’Union européenne par la Grèce, le Conseil européen s’est consacré depuis le mois d’octobre aux tensions liées au partage des eaux en Méditerranée orientale, prévoyant des sanctions à l’égard de la Turquie. En décembre, les dirigeants des États-membres de l’Union européenne se sont réunis à Bruxelles et ont pris des mesures individuelles à l’égard d’Ankara, avec l’inscription de noms de responsables des activités de forage sur la liste noire établie en novembre 2019. La Turquie a immédiatement rejeté cette décision, qu’elle juge “biaisée et illégitime”, et a ajouté ne pas être inquiète quant aux sanctions de l’UE, qui restent limitées par l’absence de consensus des dirigeants européens. En effet, malgré la volonté de la Grèce de durcir la position de l’UE, l’éventuelle adoption de sanctions économiques contre la Turquie a été écartée. En attendant, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell est chargé de faire un rapport sur l’évolution de la situation et de proposer si nécessaire de nouvelles sanctions, au plus tard en mars 2021.
Sources :
https://www.leparisien.fr/international/l-union-europeenne-sanctionne-la-turquie-pour-son-intervention-en-mediterranee-11-12-2020-8413653.php
https://www.francetvinfo.fr/monde/grece/l-article-a-lire-pour-comprendre-les-tensions-entre-la-turquie-la-grece-et-la-france-en-mediterranee-orientale_4104407.html