Les occidentaux sont rarement informés de façon systématique sur le comment et le pourquoi des actions de leurs services de renseignement, et le sont surtout leurs échecs (Rainbow Warrior, attentats du Bataclan, révélations de Snowden…) qui alimentent régulièrement le débat public et la médiatisation. Mis à part ces évènements, le public tire son référentiel de la culture populaire et de la fiction, qui décrivent avec plus (Le bureau des légendes) ou moins (James Bond) de réalisme et d’exactitude les milieux du renseignement.
Pourtant, le renseignement est, depuis le milieu du XXème siècle, un sujet académique étudié de façon transversale par toutes les sciences humaines dans le monde anglo-saxon, on parle d’Intelligence studies.
C’est à cette discipline que se rattachent ces Leçons sur le Renseignement de Jean-Claude Cousseran, ancien directeur de la stratégie puis directeur général de la DGSE, et Philippe Hayez, magistrat de la Cour des comptes et ancien attaché à la DGSE.
Ce livre répond à de nombreuses questions que peuvent se poser des citoyens curieux ou des passionnés de questions de sécurité et de défense ; avec maintes références, il s’attaque à des problématiques diverses en utilisant de nombreux exemples historiques et actuels.
Il aborde les aspects épistémologiques, organisationnels, psychologiques, humains, sociaux, techniques, mais aussi éthiques du renseignement. Ce livre fait donc à la fois office d’étude transversale, en une sorte d’état des lieux du renseignement contemporain, mais aussi d’ouverture sur l’histoire et l’évolution de ces administrations. Ainsi éclaire-t-il plusieurs problématiques : celle du droit en matière de renseignement, du pilotage politique des services, de la montée en puissance du SIGINT (Signal Intelligence) et du cyber, et de la montée en puissance du renseignement de défense.
Un chapitre particulièrement intéressant est par ailleurs consacré aux échecs du renseignement et à l’analyse de ceux-ci. L’ouvrage expose en cela la complexité du travail des agences et la multiplicité des variables qui altèrent le cycle du renseignement. Ainsi les lecteurs peuvent-ils apprendre comment la compétition entre services nationaux, l’opposition entre clients et producteurs de renseignement, et l’imperfection intrinsèque aux services a pu entraîner des erreurs et leurs conséquences parfois dramatiques.
Pour revenir à la transversalité des Intelligence studies, l’ouvrage y fait largement hommage, en mobilisant études, concepts et chercheurs en philosophie politique, psychologie sociale, histoire du renseignement et sociologie. Les affirmations renvoient systématiquement à des études, référencées en fin d’ouvrage.
Après ce tour d’horizon des services occidentaux, les auteurs concluent sur le futur proche du renseignement et ses inconnus, sous forme de nouvelles problématiques : les techniques d’analyse de renseignement resteront-elles pertinentes face à l’augmentation continuelle de la quantité d’information ? Les agences seront-elles s’adapter aux prochaines évolutions de l’ordre mondial ? Aux impératifs démocratiques et aux impératifs des libertés privées ?
Ces Leçons sur le Renseignement constituent donc une introduction approfondie au renseignement et ses problématiques, en mobilisant une étendue de sources et de références. Bien que la perspective historique soit résolument ancrée sur les services européens et anglo-saxons, les perspectives sont assez transversales pour rester globalement pertinentes pour des agences asiatiques ou moyen-orientales.