Il est une petite musique qui s’est durablement installée dans le débat public : celle de l’inertie de l’ONU à cause du droit de veto. Il s’agit donc de faire le point sur ce droit et de considérer les critiques émises quant à l’apparente paralysie de l’ONU.
Les modalités de vote sont fixées par le chapitre V de la Charte des Nations unies. Les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité – que sont la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie – ont le privilège du droit de veto pour, en théorie, jouer un rôle de premier plan dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales.
Pourquoi un droit de veto ?
L’historienne spécialiste des Nations unies Chloé Maurel explique qu’en 1945, Churchill et Roosevelt ont pensé ce droit “comme un frein d’urgence” au cas où l’assemblée générale prendrait une mauvaise décision. En effet, le Reichstag qui avait voté les pleins pouvoirs à Hitler en 1933 était un exemple marquant quant à la capacité d’une assemblée à prendre “les mauvaises décisions”.
Pourquoi ces 5 pays ?
Il s’agit précisément de ces 5 privilégiés car en 1945 ils étaient considérés comme les vainqueurs de la seconde guerre mondiale. Néanmoins, comme le souligne Chloé Maurel, ces pays ne représentent aujourd’hui que 30% de la population et leur privilège apparaît comme étant de moins en moins justifié.
“L’ONU est-elle morte à Alep ?”
La guerre en Syrie a particulièrement relancé le débat sur l’inertie de l’ONU, alors que la Russie et la Chine se sont servis respectivement 6 fois et 5 fois de leur droit de veto pour des résolutions visant à empêcher les bombardements. Certes, l’ONU mène une importante action humanitaire sur les lieux mais la capacité du Conseil de Sécurité à maintenir une paix et une sécurité internationales se retrouvent sérieusement entachée.
Ce problème ne date pas de la guerre en Syrie, comme le démontre Chloé Maurel : déjà lors de la guerre du Vietnam, l’ONU n’a pas pu agir face à la longueur et aux violences de la guerre à cause de la menace du veto américain. Même sort concernant la menace du veto français dans la guerre d’Algérie.
Polarité des conflits
Le point de tension réside dans le fait que des guerres comme celles en Syrie ou le conflit israélo-palestinien polarisent les opinions. Le Conseil de Sécurité est réduit à n’être plus que le théâtre d’un jeu d’alliances pour/contre. Par exemple, les Etats-Unis ont souvent utilisé leur veto dès qu’il s’agit d’Israël pour protéger leur allié. La Russie et la Chine, dont la renommée n’est plus à faire en matière de veto, sont également dans cette démarche d’intérêts personnels, comme le résume le schéma ci-dessous
L’ONU est une organisation internationale à vocation multilatérale et c’est là que le bât blesse : les pays en son sein veulent agir de manière unilatérale dans des conflits.
Et la démocratie dans tout cela ?
L’ONU est une organisation démocratique par essence même, comme l’explique Chloé Maurel : elle réunit 193 pays qui ont chacun une voix à l’assemblée générale. Néanmoins, ce privilège du droit de veto accordé à 5 pays inclut un facteur “antidémocratique” dans l’équation.
L’ONU est pourtant aujourd’hui plus que nécessaire : nous faisons face à des problèmes transnationaux qui n’ont pas de frontière comme ceux liés à l’environnement par exemple. Les Etats ne peuvent prétendre agir seuls.
Vers une suppression du droit de veto ?
La France avait réclamé la suspension du droit de veto, lorsque des crimes de masse sont en cours. Cela a pu être considéré comme un premier pas vers une suppression totale du droit de veto, ce qui libérerait l’action de l’ONU. Kofi Annan, ancien secrétaire générale de l’ONU, s’était prononcé en faveur de cette suspension. Néanmoins, il faudrait que tous les autres pays membres du Conseil soient d’accords pour voter une suppression de leur droit, ce qui “n’est pas gagné”.
Sources :
https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/droit-de-veto-le-maillon-faible-de-lonu
http://www.un.org/fr/sections/un-charter/chapter-v/index.html