Compte-rendu de la conférence sur l’intelligence artificielle
Les intervenants avec une partie de l'équipe de l'Antenne ISD

Compte-rendu de la conférence sur l’intelligence artificielle

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Les intervenants avec une partie de l’équipe de l’Antenne ISD

Le 4 décembre dernier, nous vous avons proposé notre première conférence de l’année : l’impact de l’intelligence artificielle dans la démocratie. Vous avez été plus de 130 à vous déplacer pour écouter et questionner nos intervenants. Merci !
Nous publions aujourd’hui notre compte-rendu. Que vous vouliez retrouver des informations ou découvrir cette conférence à laquelle vous n’avez pu assister, ce document vous servira !

À cette occasion, ont été conviés :

  • Jean-Christophe Noel, ancien pilote de chasse, passé par l’État-major de l’armée de l’air, désormais chercheur à l’IFRI ;
  • Jean-Michel Lefèvre, ingénieur de formation, actuellement Coordinateur Stratégique Intelligence Artificielle à La Poste.

L’antenne ISD tient une nouvelle fois les à remercier chaleureusement pour leur présence.


1/ Les différents enjeux de l’intelligence artificielle   

Il est difficile de trouver une définition communément admise par les spécialistes, néanmoins l’observation de son importance à venir fait consensus. Les différents intervenants ont souligné la pluralité des thèmes dans lesquels l’intelligence artificielle s’insère : ils sont tout à la fois technique, politique et stratégique.

Jean-Michel Lefèvre a souligné la conception de l’intelligence artificielle d’un point de vue technique et son manque de définition consensuelle. Ce qui est sûr, c’est qu’elle s’impose comme une réelle révolution en raison de la masse de données que l’on peut engranger grâce à elle. En cela, l’intelligence artificielle est un progrès technique considérable, élargissant ainsi nos domaines de compétences.

Quant à Florent Parmentier, il a insisté sur la conception politique de l’intelligence artificielle. Lorsque l’on traite de l’intelligence artificielle, les questions relatives aux usages de cette technologie et de ses conséquences politiques sur nos pratiques sont, selon lui, de véritables enjeux. En ce sens, le chercheur a mis en exergue, non pas la prouesse scientifique que constitue le phénomène, mais son pouvoir dans l’action politique et ses utilisations possibles dans nos sociétés actuelles et futures, notamment dans le domaine de la santé où le numérique pourrait permettre de nombreux progrès. Dès lors, les défis deviennent doubles, à la fois pour les acteurs des politiques publiques, la société civile et à l’échelle même des droits du citoyen. Pourtant, un grand nombre de nouvelles technologies de l’intelligence artificielle sont en fait d’anciennes technologies “re-labellisées”. Comment se positionner face à une évolution presque inévitable vers l’intelligence artificielle ? Telles sont les questions qu’il a soulevées.

Jean-Christophe Noël a fait état de l’importance de l’intelligence artificielle pour la défense, et ce, particulièrement dès lors que l’on se situe dans la déstabilisation ou le renseignement. Expert des affaires de doctrine et de prospective, il a noté que l’intelligence artificielle ne pourrait pas suppléer des forces ou des armes mais apparaît comme un outil essentiel pour les armées, au même titre que l’électricité. Dans la pratique, la Chine a déjà proposé une solution de surveillance par l’intelligence artificielle au Zimbabwe. En tout état de cause, le développement de l’intelligence artificielle s’appuie sur le développement du cyber. À ce titre, le futur de la décision stratégique serait intimement lié aux avancées technologiques. Dès lors, s’imposerait une réflexion doctrinale sur la relation homme-machine, voire philosophique et juridique sur la responsabilité et la guerre. L’homme pourrait-il accepter qu’une machine prenne une part de ses prérogatives ? L’ethos du militaire disparaîtrait, quand bien même l’humanisme militaire ait tenté d’imposer un modèle de l’équipier fidèle pendant des siècles. Jean-Christophe Noël a souligné qu’un compromis était possible : l’homme deviendrait le décideur, contrôlant chaque étape sur le modèle du « centaure/joueur d’échec ». L’intelligence artificielle pourrait donc jouer un rôle décisif dans le déroulement des opérations militaires à venir.


2/ L’intelligence artificielle
vs. la rationalité humaine ?

  • L’IA et les élections

La big data fut énormément utilisé dans les campagnes électorales depuis la campagne américaine de Barack Obama en 2008. D’après Florent Parmentier, il n’en faudrait pas exagérer son rôle dans les urnes, ce facteur ne pourrait à lui seul changer le résultat d’une élection. Des questions se posent toutefois. L’intelligence artificielle serait-elle une menace pour les petits partis, qui ne peuvent se permettre d’investir dans des systèmes dont l’intelligence artificielle relève pour appuyer leur campagne ? Selon Florent Parmentier, l’intelligence artificielle serait pour les gros partis politiques un moyen d’établir une stratégie de campagne optimale. Toutefois, celle-ci ne permettrait pas de les gagner, les défaites socialistes aux élections présidentielles et législatives françaises de 2017 en sont des exemples significatifs.

  • L’IA et la diplomatie

Il est évident que l’intelligence artificielle ne pourrait remplacer ni les pratiques diplomatiques ni les hommes. Pour autant, l’intelligence artificielle constituerait un outil inédit pour les diplomates et leurs analyses, en permettant de simuler des situations de crise. En somme, elle aurait une vocation préventive selon Jean-Michel Lefèvre. Pour Florent Parmentier, l’évolution de l’utilisation de l’intelligence artificielle rendrait possible une évolution même des pratiques diplomatiques. Jean-Christophe Noël fait le même constat. L’intelligence artificielle ouvrirait la diplomatie à de nouvelles voies de négociations menant à des solutions originales, en raison de la possibilité de cette technologie à élaborer des stratégies différentes des hommes.


3/
Quid de l’UE et IA ? Entre désir de compétitivité et tentation de la régulation

Une autorégulation serait-elle possible ? Florent Parmentier en doute. Il a noté qu’il faudrait donner une réponse européenne à l’essor de l’intelligence artificielle. Sept pays aujourd’hui se démarquent en raison de leur maîtrise de cette technologie : le Canada, la Russie, l’Inde, Israël, les États-Unis, la Chine, et l’Estonie. Les intérêts américains au sujet de l’intelligence artificielle sont de nature commerciale. En Israël, existent des capacités de recherche importantes, notamment dans les secteurs de la santé et de la défense. Quant à la Russie, le pays a développé une stratégie de défense en intelligence artificielle, particulièrement en matière de surveillance et de renseignement. Pour les Européens, la question de l’intelligence artificielle est étroitement liée aux questions éthiques mais n’est pas suffisamment traitée. L’Estonie est un cas d’école. Il s’agit du pays européen le plus en avance sur l’utilisation de l’intelligence artificielle, et plus largement du numérique au sein des pouvoirs publics. Ainsi, ils sont ceux qui se montrent les plus fermes et déterminés pour mettre en place un cadre normatif. Par ailleurs, l’Union européenne peinerait à s’imposer en partie à cause de ses difficultés à développer un cadre de politique économique favorable pour mobiliser les entreprises.


Compte-rendu établi et rédigé par Tatiana Lehat et
Louise Le Gatt

Florent Parmentier et Jean-Christophe Noël avec au centre Maxime Boskov, responsable de l’Antenne ISD
Florent Parmentier
Jean-Christophe Noël
Jean-Michel Lefèvre

Louise Le Gatt

Louise Le Gatt est la rédactrice en chef du blog de l’Antenne International Security and Defense pour l’année 2018-2019. Étudiante en Master Droit international à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et diplômée de licences de droit et d’économie, elle est passionnée par les relations internationales, d’histoire et d’économie. C’est donc tout naturellement qu’elle fait partie de l’équipe de Sorbonne ONU dédiée aux problématiques des conflits armés et des processus de paix, afin d’apporter son regard à la fois économique et juridique, toujours pragmatique, sur ces thèmes complexes.

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