Bilan: la place industrialo-militaire de la France

Bilan: la place industrialo-militaire de la France

Reading Time: 5 minutes

Vendredi 3 décembre 2021, la France a signé son plus gros contrat militaire avec les Emirats arabes unis et clôture ainsi une année de reprise des exportations dans l’industrie de défense française. Retour sur les forces et les faiblesses de l’industrie de défense française. 

L’échec du contrat des sous-marins australiens

En avril 2016, l’industriel français Naval Group avait remporté le pactole ; un contrat plafonné à 31 milliards d’euros pour fournir 12 sous-marins fonctionnant au diesel à l’Australie, la mobilisation de 2800 emplois dans la ville de Cherbourg et la promesse d’utiliser la technologie de pointe du programme Barracuda, développée par la Marine française. Pourtant, mercredi 15 septembre 2021, tout s’est écroulé. L’Australie a rompu son contrat conclu avec l’industrie navale française pour lui préférer des sous-marins à propulsion nucléaire équipés de technologies américaines et britanniques, devenu le projet « Aukus ». 

Justifié comme étant un « changement de besoin » par le chef du gouvernement australien Scott Morrison, cette décision s’inscrit dans le cadre d’un accord géopolitique de sécurité dans la zone indopacifique entre l’Australie, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. 

Si les conséquences n’étaient pas désastreuses d’un point de vue industriel, le projet n’étant pas assez avancé, selon les déclarations de Vincent Hurel, secrétaire général de la CGT Naval Group, elles ont eu une importance considérable, d’un point de vue international. En effet, le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian a qualifié la rupture du contrat comme « un coup dans le dos » de la part des australiens tandis que le ministère des armées dans un communiqué a déploré une « décision regrettable ». De même, l’annonce des Etats-Unis du partenariat de sécurité sans consulter la France, impliquée depuis de nombreuses années dans la région indopacifique a jeté un froid dans les relations franco-américaines. 

Se voulant conciliant, Boris Johnson a assuré que cet accord « ne visait pas à s’opposer à une quelconque autre puissance » tout en mettant en avant la relation militaire entretenue par le Royaume-Uni et la France, tandis que le chef de la diplomatie américaine, Anthony Blinken assurait que « la France est un partenaire vital » dans la région indopacifique. Si les tensions ont été apaisées, notamment lors du G20 de Glasgow en octobre, la rupture de ce contrat a secoué et a fragilisé les relations entretenues par la France avec l’Australie et jette un froid sur les rapports avec les Etats-Unis. 

Le succès du Rafale à l’international 

Pour autant, l’industrie de défense française a de quoi se réjouir. En effet, cette année sourit à l’avion de chasse Rafale dont les commandes ont explosé. En janvier 2021, la Grèce avait conclu un premier contrat d’un montant d’environ 2,5 milliards d’euros portant sur 12 appareils d’occasion et 6 avions neufs, devant être livré avant septembre 2023. En juillet, le groupe Dassault Aviation avait même livré son premier Rafale prélevé sur la flotte de l’armée de l’air française. Il faut croire que le client était satisfait car, le 12 septembre, la ministre des armées française, Florence Parly a annoncé que la Grèce avait l’intention d’acquérir 6 Rafales supplémentaires. 

Le 4 mai 2021, l’Egypte annonçait l’acquisition de 30 Rafales, complétant la première acquisition de Rafale signée en 2015. Le contrat est entré en vigueur le 15 novembre 2021 et marque une nouvelle étape dans le partenariat stratégique associant l’Egypte et la France. 

Les contrats s’enchaînent puisque le 25 novembre, le président français Emmanuel Macron et le premier ministre Croate, Andrei Plenkovic ont conclu la vente de 12 avions Rafale d’occasion à la Croatie pour un montant d’un milliard d’euros. La signature de ce contrat est vue, pour Andrei Plenkovic, comme étant un moyen d’améliorer la contribution de la Croatie dans le cadre de l’OTAN, tandis qu’Emmanuel Macron garde en tête son projet d’une défense européenne souveraine en affirmant que ce contrat « pose un nouveau jalon pour une Europe de la défense ». 

Fort de son succès, l’armée de l’air et de l’espace française qui cédera des Rafales à la Croatie bénéficiera en 2023 d’une commande supplémentaire de 12 Rafale neufs dont « les livraisons commenceront à partir de 2027 » a précisé Hervé Grandjean, le porte-parole du ministère des armées. 

L’année se termine par un contrat historique. A l’occasion de la tournée régionale d’Emmanuel Macron dans le Golfe, les Emirats arabes unis ont décidé de commander 80 Rafale pour un montant de 14 milliards d’euros, le 3 décembre. Après 10 ans de négociations, le désengagement des Etats-Unis dans le Golfe a été favorable à la France qui a vu les discussions reprendre il y a un an. En outre, deux autres contrats ont été signés. Le premier avec le missilier européen MBDA qui fournira des missiles air-air Mica NG et de croisière Black Shaheen, la version export du Scalp. Le second, avec Airbus pour livrer 12 hélicoptères de transport Caracal. Au total, ces contrats représentent un montant de plus de 17 milliards d’euros. 

Avec ces quatre contrats remportés à l’international, Dassault Aviation va augmenter sa production de un à deux Rafales assemblés par mois. En parallèle, « des centaines voire des milliers d’emplois supplémentaires » vont être créés selon Florence Parly, puisque l’écosystème Rafale, l’électronicien Thales et le motoriste Safran, ainsi que les 400 entreprises vont avoir besoin de mains d’œuvre. De même, samedi 11 décembre, la ministre des armées française a annoncé que l’accord pour la vente de trois frégates françaises à la Grèce d’un montant de 3 milliards d’euros avait été signé, de quoi finir l’année en beauté.

Si la France devrait conserver sa troisième place mondiale en matière d’exportation d’armes (8,2 % du marché), derrière les Etats-Unis et la Russie, les perspectives sont toutes aussi réjouissantes puisque Dassault Aviation qui livre les 36 Rafales commandés par l’Inde est déjà en train de négocier une nouvelle commande. De même, l’Indonésie et la Finlande devront se prononcer en 2022. 

Quid de la dépendance aux équipements militaires ?

Si l’industrie de défense est très développée dans le domaine aérien, la situation n’est pas aussi favorable en matière d’armes et de munitions de plus petits calibres. La stratégie des moyens retenue a permis de réduire la dépendance, notamment par rapport aux années 60, et on peut aujourd’hui distinguer plusieurs cercles d’autonomie d’approvisionnement comme le domaine nucléaire et une partie du domaine spatial. 

Ensuite, il existe un deuxième cercle, celui des systèmes qui assurent une « semi-autonomie » car ils sont fabriqués en Europe sous l’égide d’une forte coopération. Aujourd’hui, c’est le cas pour les hélicoptères Caïman et Tigre et les A330MRTT de ravitaillement en vol. De même, le SCAF de l’armée de l’Air a un partenaire géostratégique privilégié en l’Allemagne, ce système structuré s’explique par le fait que les deux pays ne peuvent pas faire face aux coûts de développement et à la masse que représente la production individuellement. Le terme le plus adapté dans ce cas serait plutôt l’interdépendance. 

Enfin, la détection aérienne avancée ou les drones MALE MQ-9 Reaper font partie des systèmes qui, en raison du faible nombre acheté, sont incompatibles avec le lancement d’un programme. La France a donc essayé d’optimiser autant que possible son système de production pour limiter ses dépenses et sa dépendance.

Sources:

Frégates à la Grèce : le contrat franco-grec est « signé » – Le Point

Sous-marins : l’Australie rompt le « contrat du siècle » avec la France, crise diplomatique entre Paris et Washington (lemonde.fr)

Dassault Aviation signe un contrat historique avec les Émirats arabes unis (lefigaro.fr)

La Grèce va acheter six Rafale supplémentaires (lemonde.fr)

Le Contrat Rafale pour l’Égypte entre en vigueur – Press kits de Dassault Aviation (dassault-aviation.com)

La Croatie achète douze Rafale d’occasion à la France (lemonde.fr)

Diplomatie, affaires stratégiques et relations internationales, « quelle armée française pour demain ? », décembre 2020-janvier 2021.

Laisser un commentaire

Fermer le menu